Dans cette ville où les immeubles poussent comme des champignons, dressant un décor sans cesse enrichi de hautes tours de verre et de béton, privant peu à peu les habitants de tout espace à échelle humaine, il paraît presqu’incroyable qu’existe au cœur de la ville, un vrai bois de pins, bien aménagé, prêt à accueillir la population ô combien friande de calme, de nature et de paix.
C’est cet espace public que le Festival du Bois des Pins organisé depuis 2011 par l’association ASSABIL permet d’ouvrir pour trois jours de balades, spectacles, lectures, concerts… Cette initiative partagée et soutenue par la Région Île de France, partenaire des projets de lecture publique de la Ville de Beyrouth, veut démontrer à la municipalité que le parc peut vivre et accueillir des propositions culturelles, sans être détérioré, bien au contraire. D’ailleurs, d’autres associations obtiennent depuis quatre ans des autorisations ponctuelles pour organiser des activités, ce qui est à mettre au crédit du festival.
La quatrième édition, qui s’est déroulée du 26 au 28 septembre 2014, a été inaugurée par Bilal Hamal, président du Conseil Municipal qui a annoncé que des modalités de gestion étaient étudiées pour une ouverture permanente des lieux. Souhaitons que cette annonce se traduise concrètement dans les mois qui viennent.
En attentant, le festival mobilise l’équipe d’ASSABIL pour tous les aspects d’un festival : logistique, programmation, technique, demande d’autorisation, communication… Les bibliothèques du réseau sont des relais dans les quartiers. Dès la première édition, le festival a été vite repéré par les habitants, il est très attendu par un public varié qui découvre des propositions de spectacles pour les jeunes, avec des conteurs, des informations sur les activités d’ASSABIL et de plusieurs ONG impliquées dans des actions pour l’environnement, la lutte contre les violences familiales…
Cette année une création originale est venue poser une empreinte de poésie dans cette manifestation en faveur de Beyrouth et de ses habitants. Il s’agit des performances des « AL AFLABATOUNIYOUN [1] », groupe de 11 comédiens réunis par le Collectif KAHRABA, conçues avec la compagnie ile-de-francienne OPOSITO.
- De quoi rêve Beyrouth la nuit ?
- A quelle heure te réveilles-tu aux bruits du chantier ?
- La mer devant vous et le béton derrière vous !
- Nous aussi on veut acheter Raouché !
- Alors ? On achète ? On achète !
- Parce qu’ils veulent tous voir la mer, nous ne pouvons plus voir le ciel.
Exprimant tout haut de façon ludique les souhaits des citoyens, les artistes ont enchanté le public, tant dans le bois des Pins que dans les quartiers environnants les jours précédents le festival: au jardin de Geitawi, à Tariq el Jdidieh, à Hamra, le long de la corniche. Ces étonnants « habitants du Horsh » ont donné un caractère différent, original et très apprécié à cette édition.
AL AFLABATOUNIYOUN au jardin de Geitawi -Paru sur l’orient le jour -
Au travers de ce festival, et le plaisir qu’il a suscité chez les Beyrouthins, ASSABIL attire l’attention de nouveaux publics sur l’existence des bibliothèques, de leurs services et de leurs activités et de participer à ce plaidoyer collectif essentiel dans cette ville en faveur de l’espace culturel public.
[1] Contraction entre les deux mots arabes : AFLATONE = Platon et BATOUN = béton