par Imad Hachem, Responsable Livre et lecture / Ministère de la culture – Liban
“Les Libanais sont disséminés aux quatre coins du globe. En 2009, le monde est venu chez eux”. Désignée par l’Unesco capitale mondiale du livre 2009, Beyrouth a été la scène d’une année culturelle comme le Liban n’en a jamais connu.
“Fenêtre sur la diversité des cultures et pont jeté entre les civilisations, par-delà le temps et l’espace, le livre reste pour nous tout à la fois source de dialogue, instrument d’échange et source de développement”.
Le Liban est, de par sa position géo-politique, au carrefour de trois continents, donc de trois cultures. Point de passage obligé entre l’Occident et le monde arabe, il bénéficie aussi d’une porte vers l’Asie centrale. Mais le Liban a surtout été une terre d’accueil pour les minorités ethniques ou religieuses. C’est cette influence si diversifiée qui a fait la richesse culturelle du pays chacune apportant sa contribution dans le tissage de l’identité culturelle libanaise. Le Liban moderne conserve précieusement dans sa mémoire collective tant l’expérience d’ouverture méditerranéenne et universelle que celle de la résistance culturelle arabe.
Le Liban a toujours témoigné son attachement aussi à la langue et à la culture francophone et a affirmé par sa diversité culturelle son souci du dialogue des cultures et en particulier entre les mondes arabophone et francophone.
Dans ce contexte de la diversité culturelle, le livre a joué un rôle important dans la constitution du Liban moderne qui jouit de nombreux atouts concernant le livre et la lecture. Le secteur éditorial au Liban est anciennement et largement développé. La naissance de l’imprimerie au Liban a largement contribué à faire de ce pays le plus important producteur de livres du monde arabe. Beyrouth a joué un rôle prépondérant dans la diffusion du livre en Orient et a très largement contribué à la “Nahda“, la Renaissance arabe. Elle abrite aujourd’hui près de 600 éditeurs qui publient en arabe, anglais et français, plus de 350 journaux et périodiques, une dizaine d’universités réputées et une multitude de centres culturels et bibliothèques et librairies, Et le système politique libéral, non soumis à la censure, a largement aidé à publier la production littéraire, philosophique et idéologique de tout le monde arabe, et à l’exporter dans toute la région.
Sans oublier aussi le projet de reconstruction de la Bibliothèque nationale du Liban, la création de bibliothèques municipales et publiques dans les différentes régions et à Beyrouth, et l’adoption d’une politique d’encouragement de la lecture et, surtout, le soutien à l’édition destinée à la jeunesse. Tout cela donne lieu à un marché du livre très actif…
Les conflits qui ont secoué le pays ont ralentie la production et ont mis à mal les réseaux de distribution existants et endommagé le secteur de l’imprimerie sous l’effet des chocs extérieurs (le dernier en date est les bombardements sauvage Israéliens en 2006, qui ont notamment détruit une quarantaine de sites de l’édition libanaise, bureaux et dépôts de livres) Sur les 150 maisons d’édition actives, 90 avaient leur siège dans la banlieue Sud, notamment dans les quartiers qui ont été les plus touchés par les bombardements, en plus les 5 centres culturels et bibliothèques publiques qui ont été lourdement touchés.
Aujourd’hui le marché du livre au Liban demeure le plus dynamique du monde arabe, avec environ 2000 ouvrages publiés annuellement. Cependant, plusieurs obstacles structurels posent d’importants défis au secteur qui se retrouve confronté aux défis d’une nécessaire professionnalisation, qu’il s’agisse de l’informatisation des pratiques professionnels ou de l’amélioration de la formation des personnels qualifiés.
On le sait, l’édition et le livre au Liban souffrent de nombreux problèmes : désintéressement dû à l’absence de publicité et d’émissions spécifiques, coût de production, piratage, fraude et violation des droits d’auteurs, et exiguïté du marché arabe… la concurrence arabe, le manque de soutien de la part de l’État, passage difficile a la numérique, etc.
Ce secteur a besoin de soutien, d’expansion et de développement des capacités et des ressources humaines pour que l’édition représente à nouveau un secteur capable de contribuer à la relance de l’économie.
- La production littéraire
La production de livres scolaires et universitaires occupe une place très importante sur le marché libanais.
La mise en place récente du dépôt légal et le non respect de celui-ci par beaucoup d’éditeurs ne permet pas de connaître le nombre exact de livres publiés chaque année au Liban.
La répartition se répartit comme suit :
Littérature 24 %
Sciences humaines & sociales 21 %
Religions 20 %
Jeunesse 15 %
Histoire 11 %
Sciences 4 %
Arts 2 %
- Censure
Les autorités libanaises ne pratiquent pas de censure avant publication. En revanche, les institutions religieuses, qui conservent un rôle de premier plan dans le pays,. C’est souvent à l’auto-censure qu’on recourt les éditeurs pour éviter toute interdiction.
- Les librairies
Parmi les 300 commerces portant le nom de librairies, seules 110 sont inscrites au Syndicat des libraires dont une des règles est que les librairies adhérentes aient au moins 25% de livres sur leurs rayons qui sont d’ailleurs majoritairement des livres scolaires.
Il n’y a pas une réelle régulation et de ce fait la librairie est menacée par la concurrence de deux sortes : les vendeurs saisonniers de livres scolaires et par les éditeurs qui vendent directement aux institutions.
- La lecture publique
Depuis plusieurs années, le Liban connaît un développement sans précédent de son offre de lecture publique grâce au dynamisme de nombreuses municipalités et associations ainsi qu’aux actions entreprises par le ministère de la Culture.
Intégrées dans la vie locale, jouant un rôle culturel, pédagogique et social, les bibliothèques publiques du Liban sont devenues de véritables lieux de rencontre. L’importance des bibliothèques publiques est devenue aujourd’hui une évidence pour les Libanais, leur développement est constant et les placent au centre de l’action du ministère de la culture et de la société civile.
Les 110 bibliothèques publiques participent aujourd’hui pleinement à l’aménagement du territoire au Liban, comme un élément déterminant de la cohésion sociale, et un facteur reconnu de développement. Les ressources culturelles n’étant pas équitablement réparties sur le territoire, des déséquilibres existent entre villes et régions, entre les régions mêmes, et aussi entre les centres villes et les quartiers périphériques.
De là l’importance d’une extension des services de lecture publique à toutes les régions, et la consolidation du réseau de coopération entre les bibliothèques, afin d’en renforcer l’impact.
Le ministère doit travailler sur plusieurs volets :
- Renforcer les capacités du ministère de la Culture à développer la lecture publique
- Créer des bibliothèques régionales et renforcer les bibliothèques existantes
- La formation des bibliothécaires.
- Reconnaissance et consolidation du rôle des bibliothécaires
- Informatisation les réseaux des bibliothèques
- Prévoir le passage obligé de la révolution numérique
La révolution de la technologie numérique est une opportunité pour l’établissement d’une renaissance arabe réelle, si elle est correctement exploitée, a condition de fournir un environnement social et culturel et scientifique appropriée, sur la base de la liberté de pensée, de créativité et pour l’exploitation des héritages culturelles arabe.
- La Politique du livre au Liban
Le dynamisme du marché du livre libanais n’est pas sans rapport avec la politique du livre mise en place par les autorités libanaises dans le domaine du livre et de la lecture, le ministère travaille sur plusieurs volets :
• Au sein du marché intérieur, le Liban a pris la décision de l’exemption des livres de la TVA,
• soutenir les opérations de promotion du livre (salons, foires, expositions, colloques) et la création littéraire (écrivains, et éditions);
• Afin de favoriser la diffusion du livre, le Liban s’efforce de développer son offre de lecture publique, grâce au soutien de nombreuses municipalités et associations, mais aussi suite aux actions entreprises par le ministère de la Culture pour soutenir ces initiatives et les fédérer sur le plan national.
• encourager le développement de la lecture par tous les moyens, associatifs ou institutionnels, en particulier dans le domaine de la formation, de l’information et de l’animation;
• Le ministère a créer un comité permanant des acteurs de chaine du livre pour aider le ministère a développer une vraie et réelle politique nationale du livre et de la lecture en étudiant les difficultés et en proposant des solutions. Et pour débattre de la situation du livre et de la lecture et des moyens d’engager une politique réellement efficace dans ce domaine.
- Conclusion
Le ministère de la culture veille à consolider le partenariat avec les bibliothèques, et les librairies, pour cerner les priorités et élaborer les stratégies d’une politique de promotion du livre et de la lecture.
Il s’agit donc pour nous de fixer les secteurs dans lesquels nous pouvons réaliser un changement à court terme. À savoir, la garantie des droits d’auteurs, l’aide à la publication, la lutte contre le piratage, le support aux librairies et bibliothèques. C’est pourquoi nous voulions vraiment une participation de toutes les parties concernées par le livre et la lecture pour que Liban et les pays arabes balise des ponts dans le domaine du livre entre la culture arabe et les cultures du monde.
Cette vision des choses nous impose aujourd’hui de repenser nos politiques culturelles encore trop souvent teintées de conservatisme et de résistance, et orientées vers des actions d’accompagnement qui n’agissent pas sur les liens profonds qui unissent la culture au développement, à la démocratie, à la paix et à la modernité.
Il faut profiter des nouvelles techniques pour passer d’une mentalité de production de masse à une mentalité de production d’adaptation. Dans un monde en changement, le monde du livre et de la lecture libanais est amené à rénover ses techniques de travail. Il est également important de faire la différence entre la compétition et la coopération : former des groupes d’éditeurs et bibliothèques pour élaborer des réseaux d’alliances. Faire la promotion du livre et de la lecture en se basant sur des sondages et des études statistiques précises.
“Si aucun changement important ne se produit dans les domaines culturel et pédagogique après l’Année de Beyrouth capitale mondiale du livre, le succès de l’événement se sera limité à la promotion et à la commercialisation.” Pour un développement culturel durable, nous espérons pour une fois, qu’un événement culturel et non politique prédominera dans notre vie publique.
Marseille – 4 juin 2010